…Continuation de la tendresse
Boris Lehman posant avec une statue de lui réalisé par un ami dans Mes sept lieux |
Mes sept lieux (2015) et Histoire de ma vie racontée par mes photographies (2016) tournés respectivement entre 1999 et 2010 pour l’un et 1994 et 2002 pour le second sont la continuation d’un geste auto-ciné-biographique commencé en 1983 avec Babel, Lettre à mes amis restés en Belgique.
déménagement de la table de montage dans Mes sept lieux |
Là encore et comme toujours au centre des deux films le corps et la voix du cinéaste, et pourtant il s’agit à chaque fois de films tournés vers les autres, qui se déploient toujours et cherchent à s’étendre, à atteindre l’autre où il se trouve. Boris Lehman n’aime pas les murs, ses films ne se laissent jamais enfermer dans la case trop commode d’un cinéma narcissique, et c’est d’ailleurs une expulsion qui inaugure Mes sept lieux et engendre l’errance de Boris dans les quelques 320 minutes et 10 bobines du film. Mais cette errance n’est pas vraiment solitaire, c’est bien plus une occasion de rendre visite ici et là, dans la ville et à la campagne, à des amis tantôt présents tantôt absents. On pourrait ainsi dire que Mes Sept lieux dessine une cartographie de l’amitié à travers le vagabondage de Boris ; c’est comme cela qu’on peut réussir à faire de la ville (Bruxelles « incarnation du désespoir » dit une amie de Boris dans Histoire de ma vie… ) un territoire ami. Filmer sa vie, c’est évidemment pour Boris Lehman une manière de faire rempart à la solitude et de pouvoir dire, comme dans la bobine 4 le jour de son 60ème anniversaire « Enfin je ne suis plus seul ».
Boris au milieu de ses amies dans Mes sept lieux |
Dans Histoire de ma vie racontée par mes photographies, Boris commence par les photographies de ses amis pour en arriver aux siennes, c’est la trajectoire qu’il emprunte pour se connaître mais c’est aussi une attention portée aux autres que de conserver leurs souvenirs. Et cela sans le surplus de nostalgie qui rendrait l’expérience douloureuse, c’est pourquoi dans le film Lehman donne la priorité aux visages et à l’émotion qui s’y dévoile plutôt qu’aux photos elles-mêmes. Là encore : célébration de l’amitié, des moments vécus ensemble. Tel le colporteur de Jérôme Bosch, Boris arpente Bruxelles avec ses bobines et ses albums photos sur le dos (ne dit-il pas lui-même être devenu bossu à force de porter toutes ces bobines) et se rend chez ses amis pour leur donner à voir ces moments passés, « cette histoire de nous » en partage. Un extrait cité dans le livre édité par Yellow Now et compris dans le coffret DVD (disponible ici) en dit long sur cette histoire commune que Boris Lehman cherche à inventer dans Histoire de ma vie racontée par mes photographies : « Peu de vedettes dans mes photos. Gloire aux anonymes, aux amis de l’ombre, ce sont toujours les mêmes qui reviennent. Les photos disent le temps et l’âge, l’histoire des couples qui se font et se défont. Répétitions, leitmotivs, lieux communs. Souvenirs. »
Histoire de ma vie racontée par mes photographies |
…A continuation of tenderness
Mes sept lieux (2015) and Histoire de ma vie racontée par mes photographies (2016) shot between 1999-2010 and 1994-2002 respectively, are the continuation of an auto-cine-biographic gesture started in 1983 with Babel, Lettre à mes amis restés en Belgique.
Once again, Boris Lehman’s body and voice stand at the center of
these two films, however these elements are turned outwards to engage others, unfolding,
extending and trying to reach the viewer wherever they are. Lehman dislikes the confinement of
walls around him, his films cannot be locked under the all-too convenient label
of “narcissistic cinema.” Indeed, it
is a forced eviction from a living space that opens Mes sept lieux and begins the 320 minutes of his wanderings, all captured
on 10 reels of film. It is not
really a lonesome wandering, but rather an unexpected occasion to visit friends
here and there; in the city, in the countryside, at his friend’s homes sometimes
when they are there and sometimes when they are not. One could say that Mes sept lieux draws a map of friendship
through Boris’ vagaries, and it is the only way he can turn the city of Brussels
(described as the “embodiment of despair” by a friend of Boris in Histoire de ma vie…) into friendly
territory. Filming his life is the way Boris Lehman struggles against
loneliness and leaves him finally able to say : “At least, I’m not alone anymore,” in reel 4 during his 60th
birthday party.
Boris in L'imaginaire at Bruxelles, Mes sept lieux |
In Histoire de ma vie racontée par
mes photographies, Boris begins by sharing with us photographs of his
friends and ends up with him showing us a picture of himself. We follow the trajectory he takes in
not only getting to know himself better, but in collecting the memories by
paying special attention to others, without an excess of nostalgia that would
spoil the experience. This
may be why Boris prefers to film faces and emotions and put them on-screen
rather than simply shooting the photographs themselves. Again, he prefers to
celebrate friendship and happy times together. Like the streetpeddler painted
by Jerome Bosch, Boris walks the
streets of Brussels with his film reels and heavy photo albums on his back (didn’t
he himself say that he’d end up hunchbacked from having to lug his films around
all the time?) and shows up at his friend’s homes so he can show them the
images from their past and share the “story of us.” An excerpt from the book
edited by Editions Yellow Now, which is included in the DVD boxset (available
here) says a lot on this common history that Boris Lehman created in Histoire de ma vie racontée par mes
photographies : “ Not many celebrities in my photos. Glory to the
anonymous, to friends in the shadows, always the same people returning every
time; Photos can tell the time and age, the story of couples forming and then
breaking up. Repetitions, leitmotivs, common places. Memories.”
Histoire de ma vie racontée par mes photographies |
Histoire de ma vie racontée par mes photographies - Boris Lehman (trailer) from RE:VOIR on Vimeo.