09/01/2025

La Concentration, Philippe Garrel - Sortie DVD



La Concentration de Philippe Garrel, 1968 - Version française (English version below)

En pleine ébullition de mai 1968, Philippe Garrel capture en 72 heures de tournage, un couple en crise, enfermé dans un lieu claustrophobique, entre quatre murs. Dans l’atmosphère oppressante de La Concentration, Philippe Garrel dresse le portrait d’une jeunesse en quête d’identité, confrontée à l’indifférence d’une société en pleine mutation. Interprété par Zouzou et Jean Pierre Léaud, le jeune couple est enfermé dans un décors cauchemardesque où tous les deux naviguent entre deux pièces : l’une froide et l’autre chaude. 

Le film débute dans un huis clos étouffant : Jean-Pierre et Zouzou, réfugiés dans un lit d'enfant, semblent vouloir fuir une réalité trop brutale. Mais l'irruption de la lumière les contraint à sortir de leur cocon. « Maintenant, on nous oblige à sortir », l'un d'eux proteste, exprimant ainsi le malaise d'une génération confrontée aux bouleversements de 1968. En quittant leur refuge, ils découvrent un monde en pleine agitation, observé à travers une « fenêtre » symbolisant leur prise de conscience. Cet éveil les plonge dans un nouvel enfermement, cette fois-ci mental, reflété par le décor oppressant qui les entoure. 

Ce passage à l'âge adulte s'accompagne d'une redéfinition des rôles. Zouzou, en particulier, voit son statut de femme se transformer en une nouvelle sorte d'emprisonnement. Révoltée par cette nouvelle réalité, elle tente de se réfugier dans l'insouciance de l'enfance, symbolisée par le lit d’enfant. Forcée d'affronter le monde adulte, elle finit par accepter à condition de devenir mère.  Réduite à son rôle maternel, elle est progressivement dépossédée de son individualité. L'homme, en l'appelant simplement « femme », la fixe dans ce rôle, la réduisant à une identité genrée et soumise. De plus, les gros plans insistants sur son corps, notamment sur son entre-jambe, renforcent cette idée d'une objectification et d'une soumission de la femme imposée dans cette société patriarcale mouvementée des années 1960. 

Bien que Garrel tente de dépeindre une relation malsaine totalement déboussolée, il laisse apparaitre tout au long du film un sentiment de morbidité planer au dessus de ses personnages, comme s’il voulait nous prévenir de leur destin. Une corde accroché dès le début du film laisse imaginer la fin tragique que connaîtront les deux personnages. En effet, le personnage interprété par Jean-Pierre Léaud s’en sert pour tenter de se pendre avant de changer d’avis. Cependant, c’est à la fin du film qu’il utilise cet objet pour attacher Zouzou et l’emmener dans la chambre « chaude », là où se trouve le four crématoire par lequel elle trouvera la mort. 


Ce coffret rassemble plusieurs films tournés par Philippe Garrel en 1968, une année charnière en France. À travers ses oeuvres, le réalisateur nous plonge au coeur du mouvement de Mai 1968 en mettant en avant les révoltes, questionnement et revendications des étudiants, encrés dans un monde devenu trop vieux, à cette époque encore dirigé par De Gaulle. 

Dans Le Lit de la vierge , on retrouve Zouzou dans le rôle de la vierge Marie, incarnant la mère d’un Jésus désorienté dans un monde plus cruel qu’il ne pensait être. « j’ai essayé de leur parlé avec des mots mais pas pas pu… j’ai pas pu leur parler. ». Au lendemain de Mai 1968, Garrel filme ce film anachroniste dans le but de mettre en scène un jeune Jésus dans un monde qui n’est plus le siens. Le but étant de dépeindre un jeune homme en pleine perte d’identité, Garrel impose un genre musical en total décalage avec l’époque en utilisant du rock ou la voix de Nico. Un Jesus révolté, tentant tant bien que de mal de sauver son peuple, utilise le haut parleur à de multiples reprises, un objet ici anachronique mais également en lien avec le contexte de tournage. Il représente une jeunesse révolté face à un monde qui ne lui correspond plus.

Dans Actua 1, Philippe Garrel récolte des images d’archives de Mai 1968, témoignant de la répression policière face aux protestations étudiantes dans les rues de Paris. Ces images de révoltes sont accompagnées de deux voix distinctes : l’une féminine et l’autre masculine. Elles témoignent elles aussi des attaques policières tout en mettant en avant les revendications étudiantes : « Nous savons que cette liberté ne pourra s’acquérir quand nous nous voyons encore soumis à quelques abus. », « Notre nouvelle façon de gouverner devra nécessairement entrainer l’extirpation des abus. » 




La Concentration by Philippe Garrel, 1968 - English Version 

In the midst of the May 1968 uprisings, Philippe Garrel captured, in just 72 hours of filming, a story of a couple in crisis, confined to a claustrophobic space between four walls. In the oppressive atmosphere of La Concentration, Philippe Garrel paints a portrait of youth in search of identity, confronted by the indifference of a rapidly changing society. Played by Zouzou and Jean-Pierre Léaud, the young couple is locked in a nightmarish setting where they navigate between two rooms: one cold and the other hot.

The film opens in a claustrophobic setting: Jean-Pierre and Zouzou, confined to a child's bed, seem to want to escape a reality that is too harsh. But the intrusion of light forces them out of their cocoon. « Now they're forcing us to come out », one of them protests, expressing the unease of a generation confronted by the upheavals of 1968. Leaving their refuge, they discover a world in turmoil, observed through a « window » symbolizing their awakening. This awakening plunges them into a new confinement, this time mental, reflected in the oppressive decor that surrounds them.

This passage into adulthood is accompanied by a redefinition of roles. Zouzou, in particular, sees her status as a woman introduces her to a new kind of imprisonment. Revolted by this new reality, she tries to take refuge in the carelessness of childhood, symbolized by the child's bed. Forced to face the adult world, she finally accepts it on the condition of becoming a mother. Reduced to her maternal role, she is gradually stripped of her individuality. The man, by simply referring to her as “woman”, fixes her into this role, reducing her to a gendered and submissive identity. Moreover, the insistent close-ups on her body, particularly her crotch, reinforce the idea of an objectification and submission of women imposed in this turbulent patriarchal society of the 1960s.

Although Garrel attempts to portray a completely unhinged, unhealthy relationship, throughout the film, a sense of morbidity hangs over the characters, as if he wanted to warn us of their fate. A rope, present from the beginning of the film, foreshadows the tragic end that the two characters will meet. Indeed, the character played by Jean-Pierre Léaud uses it to attempt suicide before changing his mind. However, it is at the end of the film that he uses this object to tie up Zouzou and take her to the “hot” room, where the crematorium is located, and where she will ultimately meet her death.

This box set brings together several films made by Philippe Garrel in 1968, a pivotal year in France. Through his works, the director immerses us in the heart of the May 1968 movement, highlighting the revolts, the search for meaning and demands of a disaffected youth, rooted in a world that had become too conventional for them, still under the power the De Gaulle regime.

In Le Lit de la vierge, we find Zouzou in the role of the Virgin Mary, embodying the mother of a disoriented Jesus in a world crueler than he imagined. “I tried to speak to them with words but I couldn't... I couldn't speak to them.” In the aftermath of May 1968, Garrel films this anachronistic film with the aim of portraying a young Jesus in a world that is no longer his. Aiming to depict a young man in the midst of a loss of identity, Garrel imposes a musical score that is totally out of step with the times, using rock music or the voice of Nico.  A rebellious Jesus, trying as best he can to save his people, uses a megaphone on multiple occasions, an object that is both anachronistic and linked to the context of the shoot. It represents a rebellious youth facing a world that does not correspond to him.

In Actua 1, Philippe Garrel compiles archival footage from May 1968, documenting police repression against student protests in the streets of Paris. These images of revolt are accompanied by two distinct voices: one female and the other male. They too bear witness to police attacks while highlighting student demands: “We know that this freedom cannot be acquired when we still see ourselves subjected to so much abuse”, “Our new way of governing will necessarily lead to the eradication of this abuse.”