05/09/2022

David Brooks - DVD release The Wind is Driving Him towards the Open Sea

DVD David Brooks -The Wind is Driving Him Towards the Open Sea

FRANÇAIS (English version below)

Le DVD David Brooks sort officiellement fin septembre 202

“It is through the lyrical flow of his camera, through his intuitive knowledge of the right length of each shot and the natural grafting of one onto another, that his statements on film assume the quality of poetry .” 1 C’est de cette manière que David Curtis résume la manière de filmer de David Brooks, réalisateur américain méconnu et décédé très jeune (à l’âge de 24 ans) dans un accident de voiture, en 1969. Il est ici caractérisé comme un maître du montage, qui réalise des films éminemment poétiques. 

Décrivons d’abord la manière de filmer de Brooks, très originale et que l’on peut aisément qualifier de frénétique et mouvementée. En effet, le cinéaste bouge sa caméra dans tous les sens, vers tous les côtés; et exécute parfois des mouvements de caméra presque circulaires, voire effectue un tour sur lui-même, ce qui crée des panoramiques complets – et rappelle aussi le mouvement d’un photogramme sur de la pellicule. En tenant sa caméra à l’épaule, il tourne de manière instable et rapide, et produit une image souvent tremblante. Les zooms avant et arrière et les mouvements de focale sont très utilisés. Dans The Wind is Driving towards the Open Sea (1963), une femme âgée, en parlant d’une autre personne, dit qu’”Il dessine compulsivement”. Elle semble s’adresser par la même occasion au réalisateur, qui fait ses films, lui aussi, de manière apparemment compulsive. Notons également que les scènes sont très majoritairement filmées en extérieur. Enfin, Brooks n’hésite pas à filmer des personnes qui sont elles-mêmes en train de filmer (comme le personnage de Carolyn dans le dernier film, en trois parties), ou bien à se filmer en train de filmer.

Outre ces aspects, on remarque aussi que beaucoup de passages ne montrent qu’un écran très sombre voire totalement noir, avec parfois seulement quelques lumières. Brooks joue aussi avec les couleurs qu’il donne à voir au spectateur; il ajuste parfois sa caméra alors même qu’il est en train de tourner, volontairement.

Le montage, heurté, n’est par pour autant bâclé. Les effets d’accélération sont fréquents, tout comme les fondus au noir. Les cuts sont très rapides : un plan dure rarement plus de quelques secondes. En ajoutant des photographies ou encore des extraits de cartes géographiques pour mieux situer un lieu qu’il évoque, Brooks crée de véritables ruptures dans ses films, mais nourrit aussi son propos en matière contextuelle. 

Les films de David Brooks sont parfois rythmés par des récits, de personnes diverses : par exemple, un médecin s’exprime sur les ravages de la guerre du Vietnam. La dimension politique n’est donc bien entendu pas absente de ce corpus. D’une certaine manière, ces métrages ressemblent à des films de vacances, dans la mesure où ils semblent très spontanés, et aussi parce qu’ils sont mouvementés. Il s’agit en tout cas d’une exploration de très nombreux lieux; mais aussi d’éléments naturels : Brooks n’hésite pas à filmer la mer, les paysages qui s’étendent à perte de vue et surtout les arbres, qu’il cherche à montrer de manière exhaustive, avec toutes les branches qui les composent. Comme Robert Kramer, David Brooks ne filme donc pas nécessairement l’action, mais plutôt les aspects qui entourent l’action. Il y a ainsi, de la part du réalisateur, une forme de volonté de faire le point sur l’endroit où il se trouve, comme s’il souhaitait nous montrer tous les détails dont il regorge. Une part de mysticisme est aussi représentée; avec notamment toute une intrigue, récurrente lors de l’avant-dernier film, sur le Népal et plus précisément sur l’histoire de Kumari, déesse du même pays, qui relie les séquences entre elles. Le dernier film, Carolyn and me 1 – 2 – 3, est organisé sous la forme d’un tryptique. Véritable déambulation avec une jeune femme, plusieurs moments de leur quotidien sont dévoilés.

En ce qui concerne la musique, les films sont très souvent (sauf, bien sûr, pour les deux qui sont silencieux) accompagnés d’une riche bande-son, à la fois composée de jazz et de rock – on peut entendre par exemple des extraits des Beatles, et à plusieurs reprises le titre Somebody to love des Jefferson Airplane – mais aussi de musique traditionnelle; qui pourrait être indienne, népalaise ou bien himalayenne. Les dialogues sont peu nombreux, et il ne s’agit pas de questions/réponses, mais plutôt de courts monologues. 

En mélangeant une esthétique bien particulière et une manière de tourner innovante, Brooks parvient donc à créer une poésie qui lui est propre. Il se place ici à la fois en tant qu’artisan – de nombreux plans montrent des personnes en train de filmer – et en tant que réalisateur expérimental – en créant de nouvelles formes.

DVD disponible ici : https://bit.ly/3c2d2MC

FILMS
1963 Jerry 3'
1964 Nightspring Daystar 17'
1966 Winter 16'
1967 Letter to D.H. in Paris 4'
1968 Eel Creek 7'
1968 The Wind is Driving Him Toward the Open Sea 50'
1969 Carolyn and Me 1-2-3 90'

DVD9 PAL Interzone • Stereo • Color • 4:3 • Sous-titres FR • 187 min
EN/FR Booklet by / Livret de Stephen Broomer & J. J. Murphy


Letter to D.H. in Paris (1967)

Nightspring Daystar (1964)

Jerry (1963)

Carolyn and me (1969)

The Wind is Driving towards the Open Sea (1963)


Eel Creek (1968)

Winter (1966)

1.   Je traduis : “ C'est par le flux lyrique de sa caméra, par sa connaissance intuitive de la bonne longueur de chaque plan et par la greffe naturelle d’un plan sur l'autre, que ses déclarations sur la pellicule relèvent de la qualité de la poésie. »

in Anthology Film Archives catalogue, juillet/août/septembre 2006 [https://film-makerscoop.com/filmmakers/david-brooks/bio?page=2]


-Baptiste Brune
ENGLISH


     Let's first look at Brooks' way of filming: his style can be described as frantic and hectic. The filmmaker moves his camera in all directions, to all sides; and sometimes utilizes circular camera movements, even performing a turn on itself, which creates full pans – recalling the movement of a film frame from the camera. As most of his filming is done handheld, he shoots unsteadily and quickly, thus producing an often shaky image.  He also uses a  fair amount of zooming, both in and out.  "In The Wind Is Driving Into The Open Sea" (1963), an elderly woman, speaking of another person not present on camera, says "He draws compulsively". She seems to be addressing the director at the same time, who also makes his films, apparently compulsively. Note also that the scenes are mostly filmed outdoors. Finally, Brooks does not hesitate to film people who are themselves filming (like the character of Carolyn in the last film), or to film himself filming.

     In addition to these aspects, we also notice that many scenes only show a very dark or even completely black screen, with sometimes only a few lights. Brooks also plays with the colors he shows the viewer; he sometimes purposefully adjusts his camera while filming. The assembly can look sloppy: acceleration effects are common, as are fades to black and hard and fast cuts: a shot rarely lasts more than a few seconds. By adding photographs or extracts from geographical maps to better explain the place he evokes, Brooks creates real breaks in his films, but also expands upon the context of his subject.

     David Brooks' films are sometimes punctuated by stories from various people: for example, a doctor talks about the ravages of the Vietnam War. A political dimension is certainly not absent from his work. In some ways, these films are like home movies, in that they seem very spontaneous and hectic. It is an exploration of many places; but also natural elements: Brooks does not hesitate to film the sea, the landscapes that stretch as far as the eye can see and especially the trees, which he seeks to show in an exhaustive way, with all the branches that compose them. Like Robert Kramer, David Brooks does not necessarily film the action, but rather the aspects that surround the action. 

     There is, on the part of the director, a desire to take stock of the place where he is, as if he wants to show us all the details of where he is. A kind of mysticism is also represented; with, in particular, a whole intrigue recurring during the penultimate film on Nepal, more precisely on the history of the goddess Kumari. The last film, "Carolyn And Me 1 – 2 – 3", is organized in the form of a triptych. A veritable wandering with a young woman, several moments of daily life are revealed.

     As far as music is concerned, the films are very often (except, of course, for the two which are silent) accompanied by a rich soundtrack, composed of both jazz and rock - we can hear, for example, excerpts from The Beatles, and on several occasions the song "Somebody To Love" by Jefferson Airplane; There is also traditional music, from Indian, Nepalese or Himalayan origin. The dialogue is limited, and often not in the format of question and answer, but rather in short monologues. By mixing a very particular aesthetic and an innovative way of filming, Brooks manages to create a poetry of his own. He places himself here both as an artisan – many shots show people filming – and as an experimental director – creating new forms.

-Baptiste Brune

DVD available here : https://bit.ly/3c2d2MC