DVD David Brooks -The Wind is Driving Him Towards the Open Sea
FRANÇAIS (English version below)
Le DVD David Brooks sort officiellement fin septembre 202
“It is through the lyrical flow of his camera, through his intuitive knowledge of the right length of each shot and the natural grafting of one onto another, that his statements on film assume the quality of poetry .” 1 C’est de cette manière que David Curtis résume la manière de filmer de David Brooks, réalisateur américain méconnu et décédé très jeune (à l’âge de 24 ans) dans un accident de voiture, en 1969. Il est ici caractérisé comme un maître du montage, qui réalise des films éminemment poétiques.
Décrivons d’abord la manière de filmer de Brooks, très originale et que l’on peut aisément qualifier de frénétique et mouvementée. En effet, le cinéaste bouge sa caméra dans tous les sens, vers tous les côtés; et exécute parfois des mouvements de caméra presque circulaires, voire effectue un tour sur lui-même, ce qui crée des panoramiques complets – et rappelle aussi le mouvement d’un photogramme sur de la pellicule. En tenant sa caméra à l’épaule, il tourne de manière instable et rapide, et produit une image souvent tremblante. Les zooms avant et arrière et les mouvements de focale sont très utilisés. Dans The Wind is Driving towards the Open Sea (1963), une femme âgée, en parlant d’une autre personne, dit qu’”Il dessine compulsivement”. Elle semble s’adresser par la même occasion au réalisateur, qui fait ses films, lui aussi, de manière apparemment compulsive. Notons également que les scènes sont très majoritairement filmées en extérieur. Enfin, Brooks n’hésite pas à filmer des personnes qui sont elles-mêmes en train de filmer (comme le personnage de Carolyn dans le dernier film, en trois parties), ou bien à se filmer en train de filmer.
Outre ces aspects, on remarque aussi que beaucoup de passages ne montrent qu’un écran très sombre voire totalement noir, avec parfois seulement quelques lumières. Brooks joue aussi avec les couleurs qu’il donne à voir au spectateur; il ajuste parfois sa caméra alors même qu’il est en train de tourner, volontairement.
Le montage, heurté, n’est par pour autant bâclé. Les effets d’accélération sont fréquents, tout comme les fondus au noir. Les cuts sont très rapides : un plan dure rarement plus de quelques secondes. En ajoutant des photographies ou encore des extraits de cartes géographiques pour mieux situer un lieu qu’il évoque, Brooks crée de véritables ruptures dans ses films, mais nourrit aussi son propos en matière contextuelle.
Les films de David Brooks sont parfois rythmés par des récits, de personnes diverses : par exemple, un médecin s’exprime sur les ravages de la guerre du Vietnam. La dimension politique n’est donc bien entendu pas absente de ce corpus. D’une certaine manière, ces métrages ressemblent à des films de vacances, dans la mesure où ils semblent très spontanés, et aussi parce qu’ils sont mouvementés. Il s’agit en tout cas d’une exploration de très nombreux lieux; mais aussi d’éléments naturels : Brooks n’hésite pas à filmer la mer, les paysages qui s’étendent à perte de vue et surtout les arbres, qu’il cherche à montrer de manière exhaustive, avec toutes les branches qui les composent. Comme Robert Kramer, David Brooks ne filme donc pas nécessairement l’action, mais plutôt les aspects qui entourent l’action. Il y a ainsi, de la part du réalisateur, une forme de volonté de faire le point sur l’endroit où il se trouve, comme s’il souhaitait nous montrer tous les détails dont il regorge. Une part de mysticisme est aussi représentée; avec notamment toute une intrigue, récurrente lors de l’avant-dernier film, sur le Népal et plus précisément sur l’histoire de Kumari, déesse du même pays, qui relie les séquences entre elles. Le dernier film, Carolyn and me 1 – 2 – 3, est organisé sous la forme d’un tryptique. Véritable déambulation avec une jeune femme, plusieurs moments de leur quotidien sont dévoilés.
En ce qui concerne la musique, les films sont très souvent (sauf, bien sûr, pour les deux qui sont silencieux) accompagnés d’une riche bande-son, à la fois composée de jazz et de rock – on peut entendre par exemple des extraits des Beatles, et à plusieurs reprises le titre Somebody to love des Jefferson Airplane – mais aussi de musique traditionnelle; qui pourrait être indienne, népalaise ou bien himalayenne. Les dialogues sont peu nombreux, et il ne s’agit pas de questions/réponses, mais plutôt de courts monologues.
En mélangeant une esthétique bien particulière et une manière de tourner innovante, Brooks parvient donc à créer une poésie qui lui est propre. Il se place ici à la fois en tant qu’artisan – de nombreux plans montrent des personnes en train de filmer – et en tant que réalisateur expérimental – en créant de nouvelles formes.
DVD disponible ici : https://bit.ly/3c2d2MC
FILMS
1963 Jerry 3'
1964 Nightspring Daystar 17'
1966 Winter 16'
1967 Letter to D.H. in Paris 4'
1968 Eel Creek 7'
1968 The Wind is Driving Him Toward the Open Sea 50'
1969 Carolyn and Me 1-2-3 90'
DVD9 PAL Interzone • Stereo • Color • 4:3 • Sous-titres FR • 187 min
EN/FR Booklet by / Livret de Stephen Broomer & J. J. Murphy
in Anthology Film Archives catalogue, juillet/août/septembre 2006 [https://film-makerscoop.com/filmmakers/david-brooks/bio?page=2]
DVD available here : https://bit.ly/3c2d2MC