23/03/2016

MARCEL HANOUN'S SEASONS / LES SAISONS DE MARCEL HANOUN


 RE:VOIR est heureux de vous présenter son nouveau coffret des Saisons de Marcel Hanoun, une tétralogie réalisée entre 1968 et 1972. Elle est composée de L'Été, L'Hiver, Le Printemps puis L'Automne.
Chacun des films de Marcel Hanoun est une invitation au voyage qui s’adres­se au voyageur, et non au touriste. En effet il n’est pas question ici d’un voyage or­ganisé et aseptisé, pour qui souhaite être diverti dans le confort, en minimisant les « mauvaises » surprises. En chaque film Hanoun fait appel au spectateur aventurier qui est en nous pour un périple sinueux et extatique dans les méandres de la pensée réflexive, créatrice et poétique.

 L'Été, premier volet de cette série - cette dernière considérée d'ailleurs davantage comme l'accomplissement heureux d'un désir "névrotique" qu'une œuvre véritablement prévue à l'avance - a été réalisé en 1968 (64 minutes). Il ne manque donc pas de traiter des événements de cette année. Marcel Hanoun considère qu'il est " le film le plus violent qui ait été fait à partir des événements de mai." Il dit que c’est un film "qui a irrité beaucoup de gens parce que, sous une apparence de calme, il est extrêmement violent, mais d’une violence retenue, et si ces gens sont tellement irrités, c’est qu'ils sont profondément atteints ". L'Été, narrant en noir et blanc l'histoire d'une femme reculée dans une maison de campagne pour la saison, débute par cette phrase énoncée : "Ceux qui ne font la révolution qu'à moitié ne font que se creuser une tombe". Le récit n'évolue pas, le personnage ne se développe pas, le rythme, ponctué de romans photographiques, est calme et pourtant le jeu des détails nous semble devenir d'autant plus riche : ces moments marqués par la banalité pure permettent finalement au véritable sujet du film de couler par les interstices du récit... la confrontation entre désir et réalité. Y est cité un des slogans des événements de 1968 : "Déboutonnez votre cerveau aussi souvent que votre braguette". Hanoun amorce déjà la monstration de sa totale confiance en la "sensibilité" du spectateur, et tente, à mesure qu'il s'éloigne d'une compréhension basée uniquement sur l'intellect, de l'en rapprocher.

L'Hiver est donc le deuxième volet de la tétralogie de Marcel Hanoun, réalisé en 1969 (78 minutes). Il y s'agit d’un cinéaste qui entreprend un documentaire sur la ville de Bruges et qui éprouve à Bruges le désir de faire un long métrage de fiction. L'Hiver parle avant tout de Cinéma, mais peut également être vu comme un véritable poème d’amour à l’égard d’une ville, traitant de la recherche d’une femme et la réflexion d’un cinéaste sur son art... sur l’Art en général. Sur le réel et l’imaginaire. Le noir et blanc et la couleur. Catherine Binet, qui a participé au montage en parle en disant : " L’Hiver me fait penser à quelqu’un qui ferait la toupie à toute allure dans une pièce et qui verrait des tas de miroirs ou­vrant sur des tas de fenêtres, des jardins, des musées. La personne verrait défiler tout çà à toute allure et verrait, quand elle s’arrêterait, dans quelque miroir que ce soit, son image. On est enfermé dans L’Hiver ". Marcel Hanoun nous prouve encore que nous créons notre propre hermétisme, et qu'il s'agit dans cette œuvre de le déconstruire, d'aller au delà.

Le Printemps a été réalisé en 1970. C’est l’histoire d’un homme qui est poursuivi, qui fuit à travers la campagne, les forêts. Il a commis une faute, on ne sait pas laquelle. Par­allèlement, en contre-point, il y a l’histoire d’une petite fille qui vit à la campagne chez sa grand-mère. Histoire œdipienne, tableaux vivants de plans qui nous plongent dans de véritables Veermer, ou des Le Nain (ou des Balthus ?). Hanoun passe ici son temps à "éloigner son film de la lit­térature romanesque et à le rapprocher de la peinture et de la musique" (Dominique Nogez). Le Printemps, illustrant un Michael Lonsdale proche d'une image christique, est une boucle sur lui-même, une boucle sur le sens de la simplicité paysanne et de la merveille qu’est un geste, un visage, un parler enraciné dans le terreau d’une tradition non-urbaine, illuminé par la lumière naturelle, vive et directe d’une sai­son. Une merveille esthétique.

L'Automne, enfin, est un film technique, immobile, faussement immobile, sur le montage. Réalisé en 1972, il met en scène Michael Lonsdale comme réalisateur et l'actrice Tamia comme son assistante. C'est pendant 75 minutes qu'ils vont monter leur film devant nous, dans une dialectique infinie du regardant, regardé, film filmant, film filmé, dans un hommage continu à L'Homme à la caméra de Vertov. "Nous sommes dans une situation de contrainte, celle d’être face à un écran où l’on voit deux personnages eux-mêmes face à un écran et ce, durant tout le film. Mais cet écran, qu’ils regardent tout en parlant de musique, de peinture, de cinéma et d’amour, c’est nous. Tout cela nous renvoie à notre conscience pour qu’alors puisse s’exercer notre responsabi­lité d’être libres." (Dominique Nogez). Notre liberté, nous l'avons compris, est ce pouvoir que nous possédons, oublions, et que Marcel Hanoun sans cesse nous rappelle.
L'Automne a reçu le prix special du jury à Dinard, en 1972, et fut, la même année, déclaré vainqueur du challenge international des cinémas d’art et d’essai, rendant à Hanoun l'estime qu'il mérite.


Avec tout autant de pertinence que l'ensemble de son œuvre, L'Automne nous rappelle, par la voix de Tamia, que « Le cinéma a des dimensions que nous ne connaissons pas encore, qui nous deviendront aussi familières que nous sont familières les étrangetés de notre monde quand nous savons les voir ». Ce mystère, cette surprise, est un état que le spectateur doit accepter pour se perdre et mieux se retrouver dans ces magnifiques quatres Saisons.

Coffret maintenant disponible en DVD !


L'Été, 1968, 35mm noir et blanc, 64 minutes, avec Graziella Buci et Pierre-Henri Deleau.
L'Hiver,  1969, 35mm noir et blanc et couleur, 78 minutes, avec Tiziana Siffi, Michael Lonsdale, Christian Barbier, Frédéric Latin et Maurice Poullenot.
Le Printemps, 1970, 35mm noir et blanc et couleur, 78 minutes, avec Michael Lonsdale, Raymonde Godeau, Véronique Andriès, Catherine Binet et Anne-Marie Ramier.
L'Automne, 1972, 16mm noir et blanc et couleur, 75 minutes, avec Michael Lonsdale et Tamia.