Pour la 16ème édition du festival Silhouette, l’association a dédié un programme aux films expérimentaux, dit « Hybride ». J’avais le plaisir de faire partie du jury de ce programme avec mes deux collègues, Christian Lebrat et Raphaël Bassan. Au sein d'une sélection de bonne tenue, riche d’un large éventail de thématiques et styles, notre jury a décidé de remettre le prix du programme Hybride à Walking Cycle de Wenhua Shi (États-Unis) pour la cohérence, l’élégance du propos et l’exécution parfaite du processus utilisé.
Wenhua Shi |
J'admets que je n'étais pas très familier avec votre travail avant de voir ce film. J'ai l'impression, après avoir vu votre site Web que vous êtes plus qu'un cinéaste. Pouvez-vous m'en dire plus sur ce que vous faites en tant qu'artiste ?
Merci beaucoup de prendre le temps de faire cette interview. «Plus qu'un cinéaste» est un terme délicat à assumer. Je pense que je suis toujours ancré dans les images en mouvement et même quand j'aborde de nouveaux concepts, je commence typiquement par une planche (comme un storyboard) pour trouver la progression du film. Quel que soit le résultat ou le support, j'essaie de garder mes premières pensées sur ces événements qui se produisent de manière séquentielle. Donc, normalement, je pourrais me présenter à un inconnu comme "media artist". Cinéaste ou artiste, ça renvoie des choses différentes dans l'esprit de beaucoup de gens. Media + Artiste, c'est un peu plus facile à expliquer. En tant que "media artist", j'espère que mon travail possède à la fois une qualité poétique et une profondeur conceptuelle. Cela pourrait signifier que peut-être, à la fin d'un projet, le travail pourrait être présenté de différentes façons - en projection ou à travers un autre medium. Je suis prêt à essayer différents matériaux et méthodes tant que mon objectif (qualité poétique et profondeur conceptuelle) est atteint. Par exemple, j'ai utilisé des lampes à néons ou des panneaux LED pour une série de partitions de poèmes sonores, pour éviter d'utiliser un gif animé sur l'écran. Et dans certaines de mes sculptures et œuvres sonores, j'ai essayé de matérialiser le poids des sons, de sorte que ces sons ou ces voix puissent révéler leur signification culturelle significative. (Exemples de projets: What’s in your suitcase?, Who’s afraid of Mao & Futurist Loudspeakers)
Comment avez-vous entendu parler du festival Hybride? Qu'est-ce qui fait de "Walking Cycle" un film «hybride» (si vous le pensez aussi) ? Pouvez-vous me parler du processus de création de "Walking Cycle"?
J'ai déjà soumis mon travail au festival par le passé. Peut-être que la date la plus ancienne remonte à 2005 ou 2006, et j'ai entendu parler du festival sur recommandation de mon ami Li Yang, qui étudiait la théorie du cinéma à Lyon à cette époque. Je suis reconnaissant que mon travail ait finalement pu être présenté au festival. Ma compréhension de "Hybride", c'est un mélange hybride de formes, de mediums ou de méthodes de production. Je pense que c'est ce que "Walking Cycle" a essayé de faire. "Walking Cycle" a été produit avec un soutien incroyable de la part de Signal Culture (résidence d'artistes). Jason et Debora Bernagozzi dirigent la résidence et, dans mon esprit, le Signal Culture est le successeur du Experimental Television Center (ETC) sous certains aspects. Le co-fondateur de Signal Culture, Hank Rudolph, était un personnage clé de l'ETC. Avec leur aide, j'ai pu utiliser de vieux synthétiseurs vidéo et pour "Walking Cycle", j'ai utilisé principalement un Raster Scanner et Colorizer. Les synthétiseurs vidéo m'ont permis d'expérimenter en direct toutes sortes de signaux. Les sources des signaux, ce sont des images en direct d'une caméra dentaire, des images trouvées sur Youtube, d'un homme sur écoute, des extraits de mon propre travail et de transmissions en direct de programmes informatiques, dont j'ai écrit des codes pour générer des motifs ou des matrices de points. Pendant ma résidence, j'avais l'habitude de travailler toute la journée sur les synthétiseurs vidéo et d'enregistrer toutes les images. La nuit, je regardais mes images pour trouver des parties intéressantes. Puis, le lendemain, je revenais jouer et retravailler sur les images de la veille. Deux pièces ont été produites à partir de cette exploration. Un aspect important des synthétiseurs vidéo que j'ai trouvé si intrigant est que le son (signaux audio oscillés) peut être utilisé pour moduler l'image. Il existe une corrélation directe entre l'image et le son.
Dans la description du programme du festival, il est écrit que «Walking Cycle» est un hommage à Len Lye et Hans Richter. Pouvez-vous me dire ce qu'il en est de ces artistes qui vous intéressent ou vous inspirent dans votre travail ?
Hans Richter - Rhythmus 21 |
Len Lye - Free Radicals |
L'artiste chinois Wang Changcun a sorti son nouvel album autour de 2016 alors que j'étais en train de monter "Walking Cycle". J'avais l'intention de faire des performances avec lui dans le cadre de sa tournée européenne de "REVOLUTIONS PER MINUTE: Sound Art China". L'exposition itinérante a été reportée, mais j'ai quand même pu me familiariser avec trois de ses pièces et les mélanger dans une seule pièce, plus longue. J'ai de nouveau remonter mes images par rapport au son. Le processus de montage son et image est nouveau pour moi et j'ai utilisé le logiciel VJ pour expérimenter les combinaisons.
Le jury a également choisi d’attribuer une mention spéciale à "Burûq" de Camille Degeye, (France).
Article : Jim Stickel
Traduction française : Simon Duguet